Des églises et du bois flotté

Terre isolée aux confins de l’Atlantique nord, l’Islande ne fut que tardivement mentionnée dans les écrits de marins scandinaves et de moines irlandais. Ce sont cependant des Vikings norvégiens, les "Norses", qui s'y établirent définitivement en l’an 874. Ces derniers fuyaient leur contrée, devenue trop dangereuse et peuplée, lorsqu'ils découvrirent cette île isolée, mais verdoyante et boisée. Pour la plupart fermiers, bergers ou marchands, les Norses sont païens. Animistes avant tout, ces derniers croient cependant en de nombreuses divinités directement issues de la mythologie scandinave.

Sous l'influence d'Olaf Ier, roi norvégien récemment converti au christianisme, l’île devient officiellement chrétienne au Xème siècle. Deux évêchés sont alors créés et placés sous la direction de l’archevêché de Norvège.

En 1541, alors que la réforme luthérienne se répand dans l’Europe toute entière, l’Islande, alors sous domination danoise, devient une nation protestante.

Eglise de Skalafell, Hornstarndir

L’Islande est aujourd’hui toujours protestante, religion qui rassemble près de 90% de sa population. Bien qu’une majorité d’islandais se montre aujourd’hui favorable à une séparation de l’Eglise et de l’Etat, les nombreuses églises disséminées sur le territoire islandais ont profité et bénéficient toujours d’un financement public, ce qui suscite encore de nombreux débats.

 
Chapelle de Breidavik, Islande   Skaftafell, Islande

Le visiteur ne peut qu’être interpellé par le nombre important de lieux de culte sur le territoire islandais. Les églises y sont partout présentes, même dans les lieux les plus isolés : un fond de fjord, une côte perdue et battue par les vents, un bord de route déserté…
Leur présence disséminée témoigne du mode de vie islandais. Avec une densité proche des 3 habitants au km carré, une grande partie du territoire islandais n’est pas habité ou très peu. La moitié de la population est concentrée autour de Reykjavik, tandis que l’autre moitié s'est éparpillée le long des côtes isolées de l’île. Chassés par des conditions de vie difficiles, de nombreux islandais ont récemment quitté leur habitation pour rejoindre la capitale, laissant derrière eux des bourgs et des villages entiers à l’abandon. Au milieu des fermes désertées se dressent encore les petites églises de bois, seuls témoins de cette vie passée où de petites communautés faisaient encore face aux éléments déchainés du grand nord.

Raudissandur, Islande   Eglise de Myrar

Si elles jouxtent pour beaucoup des ruines, les églises sont pour la plupart parfaitement entretenues. Une attention toute particulière est portée sur les quelques édifices en bois. Ces derniers témoignent en effet de l’époque révolue où les islandais construisaient leurs églises avec le bois des forêts de leur île.

Raudissandur, Islande   Eglise de Myrar

En effet, si les premiers vikings trouvèrent dans cette île des forêts verdoyantes, il n’en est malheureusement plus le cas. Aujourd’hui, seules deux forêts sont ainsi répertoriées sur le territoire islandais. Patrimoine naturel menacé, ces dernières sont protégées de toute exploitation commerciale. D'ailleurs, ne dit t’on pas en Islande que si vous perdez votre chemin dans un bois, il vous suffit de vous mettre debout !

  Cimetière de Glaumbaer, Islande

Plusieurs facteurs expliquent cette déforestation massive. L'intervention de l'homme dans cet environnement préservé reste bien évidemment l’une des premières causes avancées. Les premiers habitants installés dans le pays ont en effet utilisé le bois pour se chauffer, mais aussi pour construire des habitations et des bateaux de pêche, indispensables outils de leur survie. On suppose également que beaucoup d’arbres furent abattus pour permettre aux moutons de se nourrir des jeunes pousses. C’est donc très rapidement qu'une importante partie des forêts disparut. En pleine pénurie de bois, il fallut trouver un matériau de substitution suffisamment noble pour ériger des églises dignes de leur Foi.

Chapelle abandonnée de Furufjordur, Hornstrandir   Cimetière des West Fjords

Les islandais se tournèrent alors vers la seule réserve de bois disponible en quantité suffisante… Provenant pour la plupart de Sibérie, c’est après une longue dérive à travers l'océan arctique que de larges troncs viennent s’échouer sur les côtes islandaises. Le bois flotté représente ainsi une ressource inépuisable, car chaque année alimentée par les puissants courants venus du grand nord. Nombre d'églises islandaises furent ainsi construites dans des régions isolées grâce au bois ramassé sur les grèves. C'est pour respecter cet esprit, mais aussi pour perpétuer une pratique devenue une véritable tradition islandaise, que les églises de bois sont encore aujourd’hui restaurée avec du bois flotté.

Cimetière de marins français, West Fjords

  e Breidavik, Islande

Perçu comme un don de Dieu car chaque jour ramené par la mer sur les plages et les grèves de nombreux fjords islandais, le bois flotté permit la construction de nombreuses églises. Grâce à ce nouveau matériau, les islandais purent surtout implanter leurs lieux de culte dans des régions des plus isolées...

Tombe de Eivindur Jönsson, Hornstrandir
Tanguy&Violette © 2004-2008 - Tous droits réservés.