Un trajet de bus au Xinjiang

Ouverte en 1986 aux étrangers, la route du Karakorum attire depuis longtemps les voyageurs intrépides souhaitant parcourir cet axe d’échange reliant la Chine au Pakistan, dans un décor digne des romans de Kessel. C’est pour suivre une portion de cette voie mythique que nous prenons le bus ralliant Kashgar à la ville de Tashkurgan, à quelques kilomètres de la frontière pakistanaise. Au lever du jour, nous quittons donc la gare routière de Kashgar, bondée, pour un voyage de cinq heures sur la fameuse "Karakorum Highway." Récit d’un trajet de bus un peu plus long que prévu…

Massif du Pamir

10h du matin : nous roulons depuis quelques heures le long d’une route rectiligne et monotone. A l’horizon, les cimes du Karakorum prennent une ampleur grandissante. Les passagers, des familles d’Ouighours et de Pachtounes, se sont presque tous endormis, bercés par le rythme de la route.

Route du Karakorum

  Route du Karakorum

11h : nous prenons peu à peu de l’altitude. Avec elle, la route devient plus sinueuse et plus abrupte également… Notre bus, semblant jusque là poursuivre une allure plutôt régulière, montre des signes manifestes de faiblesse. Lorsque la pente se fait plus dure, le moteur s’emballe et l’engin ralentit dangereusement. Pour éviter tout incident, notre chauffeur visiblement confiant, aspire frénétiquement sur un tuyau d’arrosage relié à un seau d’eau, versant le liquide sur le moteur en surchauffe. Ce dernier semble avoir l’habitude... Règle n°1 en voyage : ne pas se poser trop de questions…

13h : notre bus s’arrête brusquement sur une route nouvellement bitumée. Les passagers, pour la plupart encore assoupis, s’éveillent progressivement. On regarde par la fenêtre : notre bus stationne derrière une file impressionnante de véhicules, visiblement à l’arrêt depuis quelque temps… Au loin, des bulldozers et une troupe d’hommes s’activent sur la route encore fumante.

 

Nous apprenons rapidement que la route est en train d’être asphaltée, bloquant la circulation dans les deux sens pour une durée indéterminée. Règle n°2 : de la patience, toujours de la patience…

14h30 : immobilisés depuis plus d’une heure, les passagers des différents véhicules se sont éparpillés le long de la route. Tandis que certains font la sieste, de petits groupes se sont formés, tentant de glaner des informations sur notre situation. Des rumeurs alarmistes et contradictoires circulent : nous serions bloqués là pendant 2 heures, non, pendant 2 jours !

15h : malgré la beauté des montagnes environnantes, les passagers commencent à montrer des signes d’impatience. En l’absence d’information pertinente, nous en concluons que notre séjour sur cette route est parti pour durer… Seule alternative, contourner le problème en empruntant la piste boueuse longeant l’actuelle route en travaux. Pourquoi pas ? Suivis par une longue file de véhicules prêts à tenter l’expérience, notre bus embarque sur une piste quelque peu cahoteuse et accidentée...

Quelques centaines de mètres sont laborieusement parcourus.

Rapidement, le bus patine, ralentit avant de s’arrêter, totalement embourbé dans l’épaisse boue qui envahit la piste. Le chauffeur a beau insister, rien n’y fait, nous sommes bel et bien coincés, et nous ne sommes pas les seuls !

 

Un à un, tous les véhicules s'immobilisent  : ici, c’est un camion de la China Post qui est coincé ; là, ce sont des minibus de touristes chinois qui peinent avant de s'arrêter, incapables d'aller plus loin …

 

16h : une nouvelle fois bloqués, les passagers, pour la plupart désemparés, sortent des véhicules espérant les alléger pour permettre de franchir ce passage délicat. Nouvel échec. Le temps se couvre et personne ne semble enchanté à l’idée de passer la nuit là. Il faut donc s'organiser : de petits groupes se forment et tentent d'apporter leur aide aux conducteurs impuissants.

Ici, on creuse dans la boue pour dégager les roues des véhicules bloqués. Là, quelques touristes chinois essayent de tirer leur minibus. Un groupe de jeunes ouïghours tente enfin de pousser notre bus profondément enfoncé dans la boue. Partout, ce sont rires et cris d'encouragements !

 

Etrangement, l’ambiance est légère et joyeuse. On s’entraide, on commente les chances des différents véhicules de s’en sortir. Après tout, n’est ce pas plus drôle que d’attendre bêtement en bord de route ? Règle n°3 : tenter de rigoler des évènements qui vous feront rire dans le futur…

18h : après plusieurs heures d’efforts, notre chauffeur réussit enfin, dans une dernière accélération, à sortir notre bus de ce mauvais pas. La libération tant attendue ne se fait malheureusement pas sans douleur... C'est avec violence que le bus vient percuter le sol, cassant sur le coup une pièce du véhicule. Nouvel incident, nouvelle attente, nous ne sommes après tout plus à un détail près...

 

Il faut remplacer la pièce cassée. Plusieurs hommes s’affairent sous notre engin, espérant sauver la situation… La lumière baisse, le chauffeur perd un des outils dans la boue… rien ne va plus, les esprits s’échauffent, nous n’allons tout de même pas passer la nuit ici  ! 20h : Le véhicule enfin réparé, nous embarquons, affamés et épuisés par cette longue journée...

21h30 : Nous reprenons la route, apaisés, mais avec encore 3h de route. Fin d’une journée dans le Xinjiang chinois, fin d’une belle expérience également. Mais l'imprévu, après tout, n'est il pas souvent le plus beau cadeau du voyage ? Règle n°4 : Appréciez !

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