Les Bihar Boys, esclaves du Goudron
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En plein boom économique, l’Inde a besoin de développer son réseau routier afin d’encourager les échanges économiques et touristiques entre ses régions, et faciliter l’accès militaire aux frontières dites "sensibles". La géographie du pays ne facilite évidemment pas cette entreprise : certaines de ces routes traversent la chaîne de l’Himalaya, franchissant parfois des cols de plus de 5000m d'altitude.
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Un travail de reconstruction est souvent impératif pour réouvrir la circulation sur ces voies d'accès, qui, soumises à des conditions hivernales particulièrement dévastatrices, sont fermées la majeure partie de l’année. Tous les ans, au printemps, des ouvriers venus des chaudes régions du sud sont ainsi engagés pour terrasser et goudronner ces routes d’altitude, dont l’entretien est essentiel, voire stratégique.
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Non-qualifiés dans l'immense majorité, ces ouvriers surnommés « Bihar Boys » viennent de la province indienne du Bihar, l’une des plus pauvres et plus peuplées, loin des villes de Varanasi et de Calcutta. La plupart de ces adolescents sont des anciens enfants de la rue de Patna, la capitale du Bihar.
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Leur seul moyen d'échapper à la misère de leur province est pour eux d’accepter tous les emplois, même les plus éprouvants et les plus mal-payés.
Ils représentent ainsi de parfaits candidats pour ce dur labeur qui les attend tout au nord du pays. Ayant grandi dans une région chaude et humide de l’Inde, aucun d'eux n’est réellement préparé à l’univers sec et glacial de la haute montagne.
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Travaillant en général pour une durée de 6 mois consécutifs dans ces zones himalayennes, les Bihar Boys gagnent un salaire d’environ 50 roupies par jour (1 euro). N’ayant aucun moyen de dépenser leur solde pendant ces longs mois de travail, loin de tout, ils gardent malgré tout l’illusoire impression de s’enrichir.
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Les conditions de vie de ces jeunes hommes sont très difficiles. Isolés sur ces montagnes, ils vivent regroupés dans de simples tentes en toile, plantées au bord de la route restant à goudronner. Le ravitaillement par camions n'a lieu que deux fois par semaine : la nourriture est donc simple. Leur seule journée de repos hebdomadaire ne leur sert généralement qu’à faire leur lessive et se reposer un peu.
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Leurs conditions de travail ne sont guère meilleures. Leur journée de travail commence avec le soleil : après un bref déjeuner, ils rejoignent la partie de la route restant à remblayer et à goudronner. La chaleur qui les réconforte est alors celle des barils de goudron enflammés jalonnant leur zone de travail.
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Ces jeunes hommes ne bénéficient pas des maigres privilèges de leurs confrères, ouvriers du goudron travaillant dans les villes, qui eux, portent un uniforme. Ainsi, les Bihar boys qui s’échinent en altitude ne sont habillés que de vieux vêtements usés trop peu adaptés. Enfin, bien que ceux-ci ne protègent que peu du froid et du vent des montagnes, peu d'entre eux sont équipés de vestes ou de manteaux.
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La plupart des ouvriers qui travaillent sur ces routes n'ont aucune protection contre le puissant soleil d’altitude, ni contre les fumées nocives, sans doute cancérigènes, qu'ils inhalent toute la journée.
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Seules de sales guenilles nouées autour du cou leur permettent, à peine, d'atténuer l'odeur âcre et les puissantes évaporations qui leur font tourner la tête. Ces vapeurs de goudron s’échappent en sombres fumées de tous les barils embrasés et des bassines métalliques surchauffées où sont mélangés cailloux et goudron pour produire le bitume malodorant. |
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Excepté quelques cagoules et de ridicules paires de gants, ils n’ont reçu que de simples bottes de pluie pour affronter le froid. De la même taille pour tout le monde, et inadaptées au climat himalayen, ces dernières ne sont que très peu utilisées. Le soleil cinglant des hautes altitudes, la poussière de ces arides régions battues par les vents, l’épaisse fumée et le goudron recouvrant leurs vêtements permettent aisément d’imaginer l’état pitoyable de la peau et des poumons de ces jeunes travailleurs pauvres.
Certains font songer aux oiseaux piégés dans les marées noires… |
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