Le pèlerinage hindou de l'Amarnath Yatra

L'Inde est un pays où la religion tient une place absolument primordiale. Ainsi, depuis des temps immémoriaux, dévots et Sadhus parcourent son immense territoire, de sites sacrés en pèlerinages. La religion hindoue compte des centaines de Dieux et Déesses, et les mythes de son panthéon foisonnent d'histoires, de lieux sacrés et de personnages qui sont en effet le prétexte de nombreux pèlerinages. Ces derniers ont souvent lieu dans des régions reculées et difficiles d'accès, comme c’est le cas pour l'Amarnath Yatra qui se déroule dans les montagnes himalayennes du Cachemire indien.

Pèlerinage de Shiva, Cachemire
Chaque année, le temps d’un été, des centaines de milliers de pèlerins se lancent ainsi dans l’aventure pour quatre jours de marche en l’honneur du Dieu Shiva. Les sentiers escarpés de l’Amarnath mènent en effet au lingam (sexe) de Shiva matérialisé par une cascade de glace nichée dans une grotte à flanc de falaise. Bien que le Cachemire ait une très mauvaise réputation, justifiée par les attentats et les combats entre armées pakistanaises et indiennes qui y sévissent, les dévots entament chaque jour cette longue marche en l’honneur de Shiva.
Ce pèlerinage est cependant très contrôlé : ce n’est qu’après une longue file d'attente pour passer les détecteurs de métaux, signer son nom sur les registres de l'armée et répondre à quelques questions usuelles, que les pèlerins pourront enfin entamer leur ascension de plusieurs jours.

En effet, bien que très présente dans les montagnes du Cachemire tout au long de l'année, l'armée indienne met en place un système de sécurité supplémentaire pour "protéger" les pèlerins d'éventuelles attaques.

C’est également elle qui gère l'ensemble des infrastructures mises en place tout au long du sentier du Yatra. 

  File d'attente à Shandavari Premiers pas

Les Sadhus sont parmi les premiers pèlerins à entamer l'Amarnath Yatra. Peu équipés, seuls quelques-uns d'entre eux s'achètent des chaussures de marche et il n'est pas rare de croiser des Sadhus aux pieds nus parcourant les pentes enneigées de la montagne. La majorité d'entre eux se sont rendus au Cachemire en bus ou grâce à de bons samaritains les ayant accompagné le long du trajet, tandis que certains autres ont rallié le pèlerinage en marchant ! Sur les deux mois que dure le Yatra, toutes les confréries de Sâdhus Shivaîstes seront ainsi représentées : on rencontre des « hommes saints » de Rishikesh ou de Varanasi, et même certains venus du Kerala au sud de l’Inde ! 

Sâdhus, préparatifs   Sâdhu venu du Kerala
Les plusieurs journées de marche qui les attendent ne sont pas aisées : sur un sentier souvent boueux et glissant, dans un environnement froid et pluvieux auxquels peu sont habitués, la file de Yatristes peine rapidement. Peu d'entre eux prennent ainsi le temps d'admirer le paysage qu'ils traversent tant l'effort et la dévotion mêlés les ramènent au plus profond d'eux-mêmes.
Boue au lac de Shesnagh   Montée au Mahaguntas Top
L'immense campement de Shesnagh (3900 m) permet aux pèlerins d’y dormir, tant à la montée vers la grotte sacrée de Shiva qu'à la redescente. Entourées de montagnes encore enneigées, ces milliers de tentes en toile sont prêtées par les militaires indiens qui encerclent le camp, toujours pour des raisons de sécurité. Tandis que de petits cours d'eau ont été déviés vers le camp pour les besoins immédiats des Yatristes, la grande majorité d'entre eux se nourrit dans les gargotes qui jalonnent le sentier et proposent de la nourriture gratuite aux pèlerins.
Campement de Shesnagh
Les quelques campements ainsi installés sur le parcours sont à l'image de celui-ci : froid, bruyant et très boueux, même lorsqu'il ne pleut pas. Véritables labyrinthes, il est difficile de s'y retrouver, surtout lorsqu’il est question de rallier la chaleur de sa tente en pleine nuit... Pour remédier à ce problème, les militaires ont installé des haut-parleurs qui beuglent en continu le nom des pèlerins ayant perdu leurs compagnons. Les tentes, quant à elles, peuvent abriter jusqu'à huit pèlerins chacune, mais il n'est pas rare d'en voir le double se blottir sous la toile, meilleur moyen de se protéger du froid glacial de la nuit.
Camp de Shesnagh   Pèlerins sous tente

C’est à pied pour la plupart, mais aussi à cheval que se déplacent les milliers de pèlerins. Quelques rares privilégiés rejoindront parfois même le lieu sacré en hélicoptère. Traversant de larges névés, les pèlerins cheminent à travers de splendides paysages que trop peu d'entre eux ne prendront le temps d'admirer. La lente cohorte de pèlerins s'étire sur des kilomètres, tel un immense serpent presque ininterrompu. 

Les seules pensées de ces citadins sont alors concentrées sur le prochain col, dernier obstacle à franchir avant d'enfin rejoindre le "temple sacré" de Shiva.

C'est inlassablement qu'ils poursuivront leur longue route malgré le froid, la fatigue et le mal des montagnes qui se fait sentir. La foi est à ce prix, la beauté du paysage aussi.

 
Massif Himalayen, Inde
Col du Santsinghpari   Santsinghpari Pass

Après le passage du fameux et difficile col du Santsinghpari (4500 m), les pèlerins accèdent enfin au plateau alpin où se trouve la fameuse grotte d'Amarnath, l’unique objectif  de ces quatre journées de marche. Le torrent glaciaire de l'Amravati permet aux pèlerins de se purifier avant l'entrée dans la grotte sacrée. Sur ses berges, quelques tentes et abris de fortune permettent un peu de repos et un dernier repas avant de rejoindre l'interminable file de Yatristes. Ces derniers attendront plusieurs heures dans le froid avant d’entrer dans ce lieu saint où Shiva se serait retiré pour réfléchir et méditer sur le monde.  

Montée à la grotte d'Amarnath

  Montée à la grotte d'Amarnath

Après une brève prière durant laquelle sont brûlés des encens déposés à l’entrée du lieu sacré, les Yatristes se pressent vers le fond de l'antre de Shiva, sans désormais pouvoir prendre la moindre photo. Serrés les uns contre les autres, les pèlerins peuvent à peine respirer tant la marée humaine de dévots s’empresse au fond de la grotte. C’est avec peine qu’ils avancent vers les dernières cloches qu’ils feront carillonner pour s'annoncer au Dieu de la destruction. Contrastant avec les cris de joie entendus tout au long du trajet, c’est un silence respectueux teinté de peur qui règne au fond de la grotte sacrée. Enfin, en un trop bref instant, les Yatristes peuvent apercevoir le "lingam" de Shiva, une stalactite de glace représentant la virilité du grand Dieu. Ils seront malheureusement pour eux rapidement et violemment repoussés par les militaires qui tentent de canaliser l’incessant flux de pèlerins.  

Montée à la grotte d'Amarnath   Montée à la grotte d'Amarnath

La grotte sacrée de l'Amarnath où les pèlerins n’auront droit qu’à un bref regard sur le lingam du Dieu créateur et destructeur, avant que les militaires ne les jettent sans ménagement hors de la grotte de Shiva. 

Dans la grotte d'Amarnath
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